La pièce

La Villégiature est une des pièces les plus fines et les plus abouties de l’œuvre de Goldoni Bien plus qu’une présentation de caractères ou de types, Goldoni nous donne un étonnant témoignage de son époque, vibrant de sensibilité et de justesse. A la fois légère et cruelle, La Villégiature est un tableau de la vie, sans fard et sans masque, qui nous montre toute la souffrance d’une société. Et cette mise à nu prête autant à rire qu’à pleurer. C’est l’être humain dans toute sa complexité qui est donné à voir:  l’homme en proie au mal de vivre en perpétuelle recherche de reconnaissance et d’un idéal de bonheur. Goldoni nous parle de la solitude, de l’amour et de l’honneur. Le difficile mariage entre l’amour et l’honneur est représenté par le personnage de Giacinta. Alors qu’elle s’est engagée avec Leonardo, un homme prêt à construire une famille, elle tombe éperdument amoureuse de Guglielmo, jeune homme énamouré qui la poursuit de ses assiduités. A Leonardo au tempérament sanguin et exubérant, est opposé un jeune homme extrêmement calme et posé, mélancolique et romantique à souhait Face à ce dilemme, la sauvegarde de l’honneur aura le dessus et Giacinta épousera Leonardo malgré le peu d’amour qu’elle a pour lui. Goldoni présente ainsi l’amour dans sa dualité : à Leonardo reviendra le droit de l’amour charnel alors que Guglielmo représentera à jamais l’amour non charnel, le fantasme de la chair dans l’impossible. Tout se passe comme si les personnages étaient attirés par le malheur. Il font tout pour être malheureux dans leur impuissance à vivre et à parler d’amour. Leonardo est un personnage qui, par excellence, n’est pas aimé. Et pourtant, il ne vit que dans l’espoir d être aimé de Giacinta. Toutes ses attitudes, son allure, traduisent une grande anxiété intérieure. Il est prêt à tout pour garder cet amour et finira par jeter Vittoria, sa soeur, dans les bras de Guglielmo pour sauver les apparences et conjurer le sort. Vittoria, comme Leonardo, souffre du manque d’amour mais paraît s’en accommoder. Tous ont en fin de compte une inaptitude fondamentale au bonheur, ils ratent leur amour, se trompent de personne et de lieu en croyant bien faire. Face à ce quatuor indécis, Goldoni met en scène d’autres couples tels Ferdinando et sabina, Tognino et Rosina, Brigida et Paolo. Sabina, la tante de Giacinta, est, malgré son grand âge, éperdument amoureuse de Ferdinando, parasite et pique-assiette de premier ordre. Contrairement aux autres personnages, Sabina laisse le regard social se poser pleinement sur ses amours, ce qui n’arrange pas du tout Ferdinando. Son rôle, voire son état, est d’alimenter les conversations avec des histoires intimes savoureuses, de faire et de défaire les réputations selon ses humeurs, mais cela, sans jamais toucher à sa propre personne, sans aucun sens de l’auto-dérision. il supporte donc très mal la fierté qu’a Sabina de son amour et, par la même occasion, le ridicule dans lequel elle le plonge. Mais il ne le tait pas sans intérêt. Sabina se bat corps et âme pour l’amour de Ferdinando qui, lui, courtise plutôt sa fortune… voilà donc un autre aspect de l’amour qui n’est pas plus engageant. Parallèlement à ce couple pittoresque, Goldoni nous montre la fraîcheur et l’insouciance de la jeunesse. Et de quelle manière ! Rosina, la nièce de Costanza, et Tognino, le fils du docteur de Montenero, filent le parfait amour. L’auteur a tôt fait de nous montrer en quoi ils sont différents des autres. Tognino est idiot, simple d’esprit mais on le devine parfait amant et Rosina l’adore, ils sont les seuls à être vraiment heureux. Tout se passe comme si la réflexion et la raison étaient incompatibles avec l’amour. Goldoni pousse encore plus loin le pessimisme en réunissant tous les couples, à l’annonce de leur mariage, dans la maison de Costanza à Livourne. Alors qu’à Montenero, Costanza est surnommé la reine tant elle impressionne les autres par son train de vie et son appétit d’intrigues amoureuses, à Livourne, elle se cache. Dans sa maison de boutiquier, c’est la décadence dans toute sa cruauté que Goldoni nous donne à voir. La décrépitude du lieu devient celle des coeurs. A tout cet imbroglio relationnel décadent, Goldoni oppose la simplicité d’un amour sensible et véritable qu’il laissera pourtant en suspens : Cecco, le serviteur de Leonardo, et Brigida, la servante de Ciacinta, sont épris l’un de l’autre. Goldoni met dans la bouche de Brigida la plus belle parole d’amour de la pièce : «J’avais vraiment envie de cette demi-heure avec toi ». Mais nul ne sait si leur amour se concrétisera un jour. En fin de compte, Goldoni nous parle de l’amour pour mieux mettre en exergue la solitude fondamentale de chaque être. Filippo, le père de Giacinta, en est la matérialisation la plus accomplie. Homme d’un certain âge ne rêvant que de calme et de paix, il est bousculé par les caprices de sa fille, malmené par Fulgenzio qu’il croit être un ami et par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, dérangent son petit monde intérieur : « Le monde a pour moi une certaine… une certaine magie qui me fait faire des choses que, finalement, au fond, je ne voudrais pas». Du matin au soir, il est en quête d’un éventuel joueur de cartes, d’un compagnon qui, le temps de quelques heures, meublera sa solitude. Infantilisé par tous, il en est réduit à jouer à la bataille avec Tognino, le simplet de Montenero. Dans un tout autre registre, Fulgenzio, l’ami de Leonardo et Filippo, vit également une grande solitude mais d’un impact énorme, il est le seul à refuser d’emblée les plaisirs de la villégiature et tentera par tous les moyens d’en dissuader les autres. Contrairement à Filippo qui s’efface devant plus jeune que lui, Fulgenzio est encore de l’« ancienne génération » : il impose sa loi et sa morale et réussit à régenter tout ce petit monde selon ses propres valeurs. Il est le seul personnage actif de la villégiature. Lui seul essaie de dissuader Filippo d’emmener Guglielmo en villégiature; lui seul oblige Leonardo, presque sous la menace, à demander Ciacinta en mariage ; lui seul décide du montant de la dot Giacinta. Les actes de Fulgenzio sont invraisemblables et pourtant moteurs de la pièce. Les jeunes se laissent vivre et Fulgenzio en dispose. Il organise tout.

Distribution

Tita Josiane Cailteur
Rosina Marie-Paule Cornet
Fernandino Gilbert Coty
Bernardino – Beltrame Hugues Doumont
Guglielmo Fabien Jacques
Giacinta Eve Jadot
Leonardo Marcel Linsmeau
Fulgenzio Michel Lizen
Costanza Nadine Monmart
Vittoria Sybille Nicolas
Cecco – Tognino Vincent Page
Sabina Colette Ronsmans
Filippo Richard Ronsmans
Brigida Yvonne Stocq (+)
guitare Julien Sabatino
Adaptation et Mise en Scène Bernard Antoine
Assistanat Francine Lizen
Scénographie et Éclairages Charles Daix
Costumes Lily Beca
Laurette Delforge
Coiffure et Maquillage Paul Lecocq
Bande son Jean-Pol Nélis
Technique plateau Alex Orio
Nicolas Somma
Michel Bertrand
Marie-Claire Bertrand
Justine
Construction des décors L’Albatros